Les fondements de la royauté balinaise
C’est au Xè siècle de notre ère, alors que Bali était depuis longtemps sous la domination des royaumes Hindous de Java, que l’on trouve pour la première fois trace d’une dynastie balinaise.
En 991, un enfant née de l’union d’un roi balinais et d’une princesse javanaise. Il fut nommé Erlangga, et envoyé à Java pour épouser une princesse locale et devenir vassal de son beau-père. Dharmawangsa, qui régnait alors sur le royaume, fut assassiné, et Erlangga le remplaça. Il sauva le royaume d’un effondrement prévisible et souhaité par certains, et parvint même à le mener vers une gloire nouvelle. Il rempli sa fonction durant trente difficiles années, établissant un puissant lien entre Java et son île natale, Bali étant alors gouvernée en son nom par son frère. Puis, fidèle au modèle du héro hindou, Erlangga renonça soudainement au pouvoir dans le royaume qu’il avait lui-même rendu si puissant, et mourut en ermite, en suivant les enseignements de son mentor religieux, Mpù Bharada. Son royaume s’effondra rapidement sous l’effet d’une peste lancée par la dangereuse sorcière Rangda, reine des esprits ténébreux, qui serait historiquement la mère de Erlangga. Cet âge d’or, brutalement interrompu par l’intervention surnaturelle de Rangda, propulsa Erlangga au rang de figure essentielle de l’histoire mythique balinaise.
Bali, île indépendante
Au cours des années suivante, Bali devint indépendante de sa grande voisine Java. Elle fut à nouveau assujettie en 1284 par les armées de Kertanagara, le roi de Singasari, de la dynastie de Tumapel. Singasari fut détruite huit années après, par la dynastie émergente de Madjapahit, rendant ainsi sa liberté à Bali… Pour être une nouvelle fois perdue en 1343, après la reconquête menée par le général Gadja Mada, pour le compte du roi Radjasanagara, sous le règne duquel une vaste partie de l’archipel de l’actuelle Indonésie devint vassal de Madjapahit. Durant le siècle suivant, le pouvoir de l’Empire fut miné par les guerres civiles et les révoltes dans les différentes colonies, précipitant rapidement son déclin. Les Balinais se révoltèrent souvent, mais ces soulèvements furent écrasés dans de mémorables batailles, après lesquelles des figures militaires telles Arya Damar et Gadja Mada devinrent les hommes forts de Bali. Jusqu’à aujourd’hui, l’aristocratie balinaise fait remonter ses origines jusqu’à eux. Gadja Mada fut envoyé à Bali pour subjuguer le roi de la dynastie de Pedjeng, Dalem Bedaulù, que la légende représente avec une tête de cochon (confère la légende de Tenganan). Bedaulù était un personnage semi démoniaque aux origines surnaturelles, qui refusa de reconnaître la suprématie de Madjapahit. Il fut défait par Gadja Mada, et Bali tomba, une fois de plus, sous la dépendance directe de Java.
La chute de l’Empire Madjapahit
Les expéditions de Gadja Mada furent les dernières victoires de l’Empire. Dans le même temps, les missionnaires musulmans prenaient de plus en plus d’influence à Java, entraînant la conversion de nombreux princes autoproclamés Sultans qui rejetèrent leur allégeance ancienne à Madjapahit. Rapidement, la propagande rhétorique fit place à la lutte armée. Les fanatiques musulmans menèrent une guerre contre Madjapahit, qui finalement s’effondra après avoir été miné par des troubles internes. On situe généralement la chute de l’Empire Madjapahit autour des années 1520.
L’apparition d’un roi à Bali
Les annales royales (empruntes de légendes et donc d’une fiabilité relative) attestent de la chute de l’Empire en 1478, sous le règne de Bra Widjaya V. Le chef de ses prêtres lui aurait annoncé la disparition du titre de Rajah (roi) de Madjapahit dans un délai de quarante jours. Sentant sa fin proche, le souverain s’immola, libérant ainsi son âme. Son fils, incapable d’enrayer l’invasion musulmane, et ne se sentant pas l’audace de contredire la prédiction du prêtre, s’échappa en direction de sa dernière colonie fidèle. Suivi par sa cour, les prêtres et les artistes, il se réfugia à Bali, s’installant sur la côte sud de Gelgel, au pied du Gunung Agung. Il se proclama roi de Bali, et fonda la lignée des Dewa Agung, titre héréditaire des Rajah de Klunkung. Dewa Agung divisa l’île en principautés qu’il réparti entre ses proches et ses généraux. A différents degrés, ces rois locaux obtinrent l’autonomie des Dewa Agung, et devinrent à leur tour Rajah de royaumes perpétués jusqu’à aujourd’hui.
Le déplacement des élites javanaises (prêtres, artistes, guerriers, homme de loi…) vers Bali eu des conséquences énormes pour le développement culturel à venir de l’île. Les acteurs de la culture de Java furent ainsi transplantés, en un bloc uni, sur Bali. Ainsi, les arts, la religion et la philosophie du royaume Hindou Javanais furent préservés, et purent s’épanouir, presque sans heurs, jusqu’à nos jours. Ce transfert est à ce point significatif que lorsque Sir Stamford Raffles entreprit d’écrire l’histoire de Java, c’est à Bali qu’il trouva les anciens manuscrits relatant les épopées des rois de Java, qu’avaient emportés avec eux les membres de la Cour du défunt Empire de Madjapahit.