Le mariage, un sujet réjouissant
“Etes-vous marié ?, combien d’enfants avez-vous ?” aucun voyageur d’apparence adulte n’échappe à ces “agacantes”, “éprouvantes”, “intruisives” questions lors de son séjour à Bali. N’en voulez-pas à votre interlocuteur balinais, il cherche simplement à entâmer la discussion sur un sujet qu’il considère “réjouissant” par essence, connu et goûté de tous, “universel”. Votre réponse positive le mettra en joie, une réponse négative lui causera une tristesse non feinte, sans pour autant succomber à la tentation du jugement car l’hindouisme enseigne que si agir mal est un péché, penser du mal en est un aussi au même titre que d’en dire… Et puis vous n’êtes pas né à Bali: votre étrangeté vient sans doute de là…
L’union, une fusion absolue
Rester célibataire jusqu’à un âge adulte avancé, voire pour toujours, si pour pour bon nombre d’occidentaux c’est un choix réfléchi, aux yeux des Balinais c’est une damnation. Les filles et les garçons de l’île bénie des Dieux sont d’une très naturelle impatience à imiter Sang Hyang Widhi Wasa, le dieu suprême balinais, de condition androgyne, en devenant une seule et même entité. L’union est perçue comme une fusion absolue, symbole d’élévation spirituelle, de complétude physique et psychique, permettant d’accéder au divin. Le “septième ciel” à Bali c’est de convoler à hauteur du sommet du volcan Agung, la résidence des Dieux, et de devenir à deux un petit monde, “buana alit”, dans le grand monde, “buana agung”. Et de jouir de cette pluie qui féconde la terre, en profondeur. Une pluie, la même que celle des ancêtres, dont ils sont une réincarnation. Il n’y a rien de neuf ici bas. L’égo n’est qu’illusion, seule compte la continuité de tout ce qui existe. La vie des Balinais est aussi “terriblement simple” que cela. Et le premier enfant, qui ne saurait se faire attendre, est un accomplissement incontournable, une reconnaissance qui permet la véritable entrée dans le monde adulte. Celle-ci s’accompagne pour le mari au droit de siéger au conseil de son village. Avant, le jeune homme, même marié, n’était lui-même encore qu’un enfant… A qui on pardonnait avec sagesse les épanchements amoureux excessifs de la jeunesse, les passions incontrolables des sens, si “normals” à Bali, à condition de ne pas fuir ses responsabilités, car on ne badine pas avec l’amour… Il est sacré.
L’amour est sacré sur l’ile des Dieux
L’amour est sacré à Bali. Et cela même quand il est “fou”. Ainsi, quand une ou les deux familles s’opposent à leurs noces, les amoureux héroïques peuvent opter pour le “kawin lari”, le mariage par “enlèvement de la belle”. Les fiancés s’enfuiront au cœur de la forêt, ou au domicile de lointains parents ou d’amis complices, pour quelques jours ou quelques semaines, pour réaliser l’irréparable. Et ils retourneront, mari et femme, à leur village, sans que personne ne puisse s’opposer à leur nouvel état.
“Enlève-moi”, ça veut parfois dire “je t’aime”…