Spiritualité

L’Islam à Java : Santri Ou Abangan

Un Islam différent

La religion à Java était à l’origine animiste. Les Javanais croyaient aux esprits, aux âmes, aux forces de la nature. Au 5è siècle, l’hindouisme fait son entrée à Java. Quand mille ans plus tard, l’Islam est introduit en Indonésie par les marchands venus d’Inde, c’est une croyance influencée par le mysticisme indien. Cet Islam rencontre à Java un mélange d’hindouisme et d’anciennes croyances animistes qui constitue déjà à l’époque une religion particulière à l’île. L’Islam se répand à Java, comme dans toute l’Indonésie, jusqu’à la dominer complètement à la fin du 16è siècle. Les pratiques mystiques portent désormais des noms arabes, les rajahs hindous troquent leur titre pour devenir des sultans musulmans, mais en fin de compte très peu de choses changent. L’Islam indonésien est en fait très peu influencé par les centres de l’orthodoxie musulmane que sont La Mecque et Le Caire. Tout change quand les commerçants venus du sud de la péninsule arabique se mettent à commercer avec les marchands indonésiens, les confrontant à l’Islam orthodoxe. Dès lors, les Indonésiens partent de plus en plus nombreux en pèlerinage à La Mecque. A Java, les pèlerins de retour de La Mecque enseignent aux élèves des écoles coraniques un Islam plus austère, différent du mysticisme polythéiste auquel les Javanais sont accoutumés. Autour de ces écoles et des mosquées qui y sont rattachées se crée un espace pour l’orthodoxie. Et ceux qui vivent dans ces espaces se voient devenir la minorité représentative de la vraie foi dans le grand océan de l’ignorance et de la superstition, les protecteurs de la Loi Divine contre les coutumes traditionnelles païennes. Ce nouveau groupe est appelé santri, opposé au groupe abangan qui continue à pratiquer une religion syncrétique mêlant Islam, hindouisme et animisme.

Santri ou Abangan ?

Outre le fait que les santri ne croient pas aux esprits contrairement aux abangan, il existe des différences entre les deux groupes. Les abangan sont indifférents ou presque à la doctrine. Ils donnent beaucoup plus d’importance aux rituels, alors que la fascination des santri pour la doctrine éclipse presque entièrement l’aspect ritualiste déjà atténué de l’Islam. Un abangan sait quand donner un slametan (cf. La Gazette de Bali n°51 –août 2009), ces réunions de voisins destinées à calmer les esprits, et quelle nourriture préparer en fonction de l’évènement. Il est tolérant sur les croyances religieuses. Il pense que toutes les croyances sont justes. Si quelqu’un ne croit pas aux esprits, c’est son affaire et pas celle des autres. Pour les santri, les rituels basiques sont également importants, particulièrement la prière. On reconnaît d’ailleurs un santri à sa manière de prier, toujours de façon consciencieuse. Mais c’est la doctrine islamique qui importe le plus pour un santri et plus spécifiquement son interprétation sociale et morale. La doctrine islamique régit la vie des santri. Elle est l’absolue vérité de l’Islam et tous ceux qui ne la suivent pas font fausse route. Une autre différence entre les santri et les abangan réside dans leur organisation sociale. Pour les abangan, l’unité sociale de base est la famille (le père, la mère et les enfants). Il n’y a pas de communauté abangan au sens propre, même si les familles voisines se réunissent lors des slametan. Pour les santri, le sens de la communauté est primordial. L’Islam est vu comme un grand cercle communautaire, de la communauté du village au monde musulman tout entier, une grande société de croyants répétant constamment le nom du prophète, priant et chantant le Coran.

Les santri et les abangan se distinguent également sur leurs choix politiques. Les abangan devinrent l’une des bases de l’organisation politique après l’indépendance de l’Indonésie, le Partai Nasional Indonesia ayant à l’origine une forte base abangan. Durant les années 50, les abangan supportèrent le Partai Komunis Indonesia car le parti soutenait le monde rural pauvre des abangan, en opposition aux santri que l’on retrouve plutôt dans les villes. Malheureusement, les divisions culturelles finirent par un bain de sang en 1965 et 1966 avec la chasse aux communistes qui fit plus de 500 000 victimes, dont de nombreux abangan.

La lutte contre le terrorisme

Le président actuel, Susilo Bambang Yudhoyono est un abangan et c’est un signe fort qu’il ait nommé un autre abangan, Boediono, au poste de vice-président, alors que les petits partis musulmans orthodoxes faisant partie de la coalition gouvernementale espéraient fortement qu’un de leurs représentants santri obtienne le poste. La lutte contre le terrorisme s’est très considérablement renforcée depuis les dernières élections présidentielles, ce qui n’est pas un hasard, et les écoles coraniques santri aux positions trop radicales sont aujourd’hui montrées du doigt et surveillées de près par la police.

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