Spiritualité

La fabrication de l'eau bénite

L’eau, un élément puissant

Des quatre éléments le feu, la terre, l’eau et l’air lequel est le plus puissant? La réponse est évidente et spontanée pour tout Balinais: l’eau, bien entendu, parce qu’elle est partout présente et possède une capacité d’infiltration presque illimitée. L’eau est l’élément qui lie toutes choses de ce monde entre elles, son pouvoir est infini, magique. En guise de démonstration le Balinais vous rappellera en arborant un sourire irrésistible comment l’eau traverse la terre, la pierre, l’air et comment elle éteint le feu. Au final vous lui donnerez raison et il en sera rayonnant de joie: vous venez de comprendre l’essence de l’hindouisme balinais appelé autrefois Agama Tirtha, la religion de l’eau bénite.

La prime importance de l’eau dans le quotidien des Balinais est une réalité qui échappe à la plupart des voyageurs, frappés plutôt par les encens brulés partout et enbaûmant l’air, ou les offrandes de fleurs posées à chaque lieu d’importance, y compris sous la glace avant des voitures, l’entrée des restaurants ou des hôtels…

Utiliser l’eau bénite

L’eau, à moins d’être celle de la mer, de préférence bleu turquoise, ou d’une piscine, fluorescente si possible, n’est pas “exotique” d’entrée de jeu dans l’imaginaire européen: elle le deviendra rapidement, quand, jaunie par des racines, elle sera donnée dans un petit sachet plastique par un chamane qui vous aura parlé quelques minutes auparavant de votre passé avec une précision terrifiante. Vous regarderez le liquide avec fascination comme s’il contenait le plus beau des poissons. Non ce n’est pas une créature aquatique qui vous a été remise, c’est un pouvoir magique: qu’allez-vous donc en faire maintenant? Drôle de sensation que celle d’être allé trop loin et de s’être “mouillé”. N’acceptez de l’eau bénite que si vous êtes sûr de vouloir l’utiliser.

La fabrication de cette eau sacrée

Si les chamanes (“balian”) ont souvent la capacité de fabriquer de l’eau bénite (à des fins précises de guérison ou de protection) cette tâche incombe plus communément aux grands-prêtres de la caste des Brahmanes les Pedanda, ainsi qu’aux prêtres de la basse caste des Sudra, les Pemangku, et dans une moindre mesure aux Dalang, les marionnettistes balinais, dont l’art est relié au divin (“niskala”). Il s’agit à la fois d’une pratique mystique et technique. Pour que de l’eau prise d’une source, ou d’un puits sacré (“beji”) devienne de l’eau bénite il faudra dans un premier temps faire brûler du bois odorant et des fleurs sous un récipient de terre cuite, le “bokor”, retourné de façon à se remplir de fumée. Ce n’est qu’ensuite que de l’eau est versée dans le bokor et que sont récités divers mantras pour que l’eau se remplisse de présence divine, et plus précisément de la trinité hindoue au complet: l’air (Shiva) et le feu (Brahma) se mêlant à l’eau (Vischnou).

Plusieurs étapes à respecter

La fabrication de cette eau bénite, très bonne au goût, parfumée comme un vin, s’effectue surtout à l’occasion des anniversaires de temples (“odalan”) quand la communauté invite les Dieux à descendre dans l’antre sacré en les attirant par moult offrandes, musiques de gamelan et danses, encens, lectures de textes religieux (“lontar”), et les mantras récités par les prêtres. A cette occasion tous les membres de la communauté boivent un peu de la “nouvelle cuvée” de tirtha, l’eau bénite, pour recevoir les Dieux à l’intérieur de soi et se purifier, cette pratique pouvant être comparée à la communion chrétienne. Chaque famille emmène en fin de cérémonie un peu de cette nouvelle tirtha à la maison en la portant sur la tête et en la déposant en hauteur une fois rentrée chez soi. Une erreur de manipulation et l’eau se transformerait en une source d’inquiétudes, à l’inverse de son rôle initial.

L’eau bénite, essentielle pour tout balinais

L’accès à l’eau bénite tirtha est essentielle à l’identité balinaise. La pire des sanctions coutûmières (“adat”) suite à une faute grave au sein de la communauté du village (“banjar”) étant de se le voir refuser, ce qui signifie pour un Balinais la mort sociale et l’obligation de s’exiler loin de ses origines: un malheur sans fond. On le comprend.

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